Le Mexique dans un miroir : les ex-voto de San Juan de los Lagos (1870 - 1945)


Entre milagrero et fidèle

 "Berdadero (sic) retrato..."



Le thème du milagrero soulève deux questions: une essentielle, l’autre plus superficielle, voire oiseuse (en apparence), et que nous laissons pour le texte « Le milagrero, artiste populaire » . D’abord, donc, dans la répartition des taches entre le fidèle et le peintre (lorsqu’ils ne sont pas confondus, ce qui est le cas pour notre période et notre corpus), il est vital de savoir ce qui revient à chacun. En fait, comme pour la rédaction d’un testament, trois acteurs sont en présence. Le testateur est au centre (ici le fidèle) qui dicte le canevas du document, précise les détails (jusqu’où?). Il a face à lui le notaire (le milagrero), l’homme de l’art, qui rédige s’appuyant sur son expérience, selon ses propres normes. L’un et l’autre doivent prendre en compte les règles préétablies, fixées par le législateur (la tradition) qui énonce un système de règles de conduite, de symboles et de codes.

Dans la perspective du retable, la présence la plus forte est celle de l’artiste: son style, sa personnalité sont souvent identifiables, d’un document à l’autre, non seulement pour la peinture, mais encore pour le texte et l’écriture (voire les fautes de syntaxe et d’orthographe). Nous laissons à chacun le soin de retrouver les différentes séries à partir des quelques jalons posés (voir les observations qui accompagnent certains ex-voto). La présence la moins contraignante est celle de la tradition –sans pour autant la sous-estimer- : elle reste souple, peu contraignante, fournit plus des instruments de dialogue que des barrières.

La personnalité la plus énigmatique est celle du fidèle. C’est paradoxal, puisque en fait il est le seul sur qui nous ayons des renseignements précis, mais quí restent factuels. Au-delà de son identité, des circonstances du miracle et de quelques suppositions sur son appartenance sociale, de son profond attachement à la Vierge, que savons-nous? Surtout, qu’est-ce qui lui appartient en propre sur l’ex-voto? Est-ce le fidèle qui a choisi de se faire représenter en charro blessé à mort, tel Jorge Negrete? ou encore en jeune marié (voir la section précédente)? ou dans ses plus beaux atours? ou au contraire, tête basse, dans une semi-pénombre, et en totale humilité? Le milagrero, après l’avoir écouté, a-t-il traduit (trahi… ?) ou transposé…. Le grand nombre d’ex-voto stéréotypés, sur certains thèmes, comme la maladie, «interchangeables», est inquiétant pour notre perception du fidèle. 

Ceci est surtout vrai lorsque seule est représentée l’action de grâce, topos entre tous : le produit a-t-il été standardisé…? A-t-on, au minimum, tenté de respecter quelques règles (comme le statut social, à travers l’ameublement, l’habillement)? Il faudrait une étude minutieuse, à travers ce corpus (et d’autres) pour arriver à des demi-certitudes, qui de toute façon soulèveraient d’autres questions.