Le Mexique dans un miroir : les ex-voto de San Juan de los Lagos (1870 - 1945)


Symbolique et codes au sein de l’ex-voto

"La pintura moderna conserva su tradición en los cuadros de iglesia; San Juan va vestido de verde, así como Cristo y la Virgen de rojo y azul, y Dios de blanco. El simbolismo, esa antigua ciencia, se convierte en arte y ya no es en nuestros días [1839] más que cuestión de oficio"


                                                Federico de Portal



Culture populaire ou culture savante, peu importe. Les milagreros et leurs fidèles sont les dépositaires d’une culture multiséculaire; qui plus est, ils restent dans un univers où l’écrit est souvent malhabile, voire défaillant, l’image dominante. Aussi ne faut-il pas s’étonner de les voir manier tout un système de codifications, dont la richesse peut nous surprendre. Paradoxalement, nous vivons environnés d’images, mais celles-ci sont anarchiques et destructurées, lisibles au premier degré seulement.

Il est un ex-voto, qu’on peut qualifier de silencieux : c’est un des plus mystérieux et déconcertants qui soit, d’abord par le dialogue secret qui semble s’établir entre la donatrice et l’image, à la fois lointaine et présente: une longue diagonale traverse la peinture, unit les deux personnages. À sa façon, elle permet déjà une lecture. Mais le système de codification est encore plus profond, semble retenir les leçons d’Alciato, le grand maître de l’emblématique du XVIe siècle, dont notre milagrero n’a bien entendu aucune connaissance. L’eau, les montagnes lointaines et le ciel, dans des tons bleus, sont le domaine réservé de la Vierge. Quant à la colline surmontée d’un arbre (conifère?) elle reprend certains des attributs de la Vierge –plutôt de l’Immaculée, catégorie à laquelle appartient N.D. de San Juan.

Bien entendu une bonne partie de cette culture, d’origine cléricale, reprend l’iconographie traditionnelle (y compris les couleurs rouge et bleue) de l’image sainte. D’où tous les éléments symboliques qui la séparent de la contamination (nuages, piédestal, autel, camarin)…. D’où la protection symbolique qu’elle étend sur ses fidèles, par le biais de ses couleurs de prédilection: ce peut être une simple ceinture rouge, une couverture ou un sarape de même couleur. Le bleu peut jouer le même rôle. Sans oublier les combinaisons entre les deux coloris. Le rouge, sous forme de drapé (sur une table, dans un dais) accompagne la plupart des tableaux royaux: quoi d’étonnant de le voir aussi soutenir la majesté de la Reine des Cieux.

Mais cette culture –telle qu’elle s’exprime à travers les ex-voto- peut aussi construire, à partir de ses présupposés sociaux, ses codes originaux. Si l’on accepte que la ligne de séparation la plus forte est celle qui sépare les sexes, il faut s’attendre à un système de conventions qui enserre cette différence: c’est à la coiffure de remplir ce rôle. Tête nue pour l’homme, tête couverte pour la femme devant l’image, chapeau pour l’un, rebozo pour l’autre. Sur la plus grande partie de la période les deux signes sont là. Même lorsque l’homme est absent, son chapeau est là, pour rappel.

Où est la frontière entre code et stylisation? Elle est ténue, les bouteilles (de médicaments) qui accompagnent certains ex-voto dédiés à la maladie, les magueys et nopals qui donnent leur tonalité mexicaine aux paysages appartiennent à quel univers? Peu importe. Affiché sur les murs du sanctuaire, ce langage de signes conventionnel et perpétuellement rénové tout à la fois, «bricolé», est intelligible par tous. Pour cela nous ne partageons pas le pessimisme de l’aristocratique baron Portal: ces conventions –si on veut les appeler comme cela- sont des vecteurs de message, et de dialogue, ne constituent pas une langue morte.