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Une histoire universelle
"Los milagros de la Santa Imagen de San Juan, ellos son tantos, y tan grandes, que ningún Escritor los agotará, ni los comprehenderá ninguna persona [...]. Obedecer a quien me manda es forzoso, decir todo lo que esta imagen es, y hace, es imposible: conque no es arrojo, lo que es necesidad,
y me anima lo que es imposible"
Francisco de Florencia
Au-delà de son universalité, la condition humaine plonge ses racines dans des milieux, des contextes différents, en tire des faiblesses, des terreurs, des obsessions variées. Au-delà du dialogue millénaire que l’Homme échange avec la divinité, ces circonstances le colorent chaque fois différemment. Pour comprendre ces colorations, il faut donc revenir sur le sanctuaire et son environnement.
San Juan de los Lagos est au cœur d’une grande région rurale, les Altos, célèbre aussi pour ses bandits. Le sanctuaire s’est façonné un espace d’attraction qui s’étend de San Luis Potosí au Bajío. Encore un milieu rural, mais animé par un réseau dense de villes qui, elles aussi, jusqu’à ces dernières décennies vivaient de l’agriculture. Même si le monde des haciendas a largement sa place dans cet univers nôtre, c’est surtout la société ranchera, individualiste, machiste, aimant les armes, les habits de charro et les chevaux qui donne le ton.
Pour cette société rurale pauvre et violente, la fréquentation de la prison ou de la cantina est plus habituelle que celle de l’hôpital, dont la représentation est d’ailleurs terrifiante. Cependant, traditionnellement, et s’agissant d’un milieu peu médicalisé, la Vierge de San Juan est spécialisée dans les guérisons, de toute nature: ces miracles sont les plus nombreux dans notre série. Cependant là encore, le contexte rural ne perd pas ses droits, et en plein XXe siècle la rage reste présente et crainte.
Mais cette société circule aussi, émigre, parfois sur des moyens de transport que nous avons oublié et qui se révélaient très dangereux (l’armon). Par là, à son espace initial (l’Occident du Mexique) elle annexe de nouveaux territoires, la frontière (dès le début du siècle), et timidement, semble-t-il, le District Fédéral. La Vierge de San Juan irradie donc le long couloir qui relie le plateau central aux lointaines terres du Nord, par le Bajío, Zacatecas, Parral, jusqu’à «el otro lado». Notre corpus confirme ce que notait déjà à la fin du XVIIe siècle Francisco de Florencia.
Une absence, encore plus réelle aujourd’hui (et plus étonnante) qu’au XVIIe siècle, celle de Guadalajara. Les ex-voto qui y font allusion sont très rares. Les choses ont-elles changé depuis 1945 ? Mais de toute façon, comment l’expliquer ? S’il existe une certaine confraternité entre les vierges de Guadalupe et de San Juan, jamais celle de Zapopan n’apparaît à côté de notre image: sont-elles trop proches, se repoussent-elles, et l’irradation de Zapopan sur «sa ville», Guadalajara, empêche la piété des Tapatíos de s’étendre à celle de la région de San Juan de los Lagos?
Le Bajío, Zacatecas, San Luis Potosí, situés sur le long couloir d’avalanche, eurent à subir les terribles affres de la violence révolutionnaire (et des troubles agraires qui suivirent): notre corpus en porte de nombreuses traces. Le Jalisco fut moins touché alors, même s’il souffrit davantage de la lutte cristera.
Entre-temps, la société évoluait, des accidents de cheval on passait à ceux liés à l’automobile, et dans une société plus ouverte, des soucis de promotion (par l’éducation, par le travail) se multipliaient. Et tout cela baigné dans la lumière électrique porteuse de progrès, mais aussi de drames.